Questionnaire des impôts concernant l’assujettissement des Artistes Auteurs à la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) : Comment ne pas tomber dans le piège des questions ?
Nous avons déjà vu dans une précédente fiche que les Artistes Auteurs pouvaient bénéficier d’une exonération totale de la CFE. Nous avions d’ailleurs abordé cette précédente fiche expert sous l’angle de la légende urbaine que « tous les artistes relevant de la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs pouvaient bénéficier de l’exonération de la CFE », ce qui est faux.
Lorsque vous faites votre demande d’exonération, il est de plus en plus fréquent que l’administration vous adresse un questionnaire pour juger de votre situation au regard de la fiscalité.
Nous verrons dans cette fiche comment se sortir de ce questionnaire, les pièges et les sous-entendus de certaines questions.
La lettre des impôts
La lettre des impôts que vous recevrez, comprendra un questionnaire et le texte suivant :
« Afin de déterminer vos obligations au regard de la CFE, je vous prie de bien vouloir nous retourner le plus rapidement possible, le questionnaire situé au dos de ce document, dument complété, daté et signé.
Les conditions d’exonérations sont définies dans le BOI-IF-CFE-10-30-10-60 disponible sur le site des info.
Lors de la prise en compte de votre entreprise par le service, l’imposition à la CFE a été créée. A défaut de réponse au 31/12 de l’année de création, cette imposition sera maintenue.
Je me tiens à votre disposition pour tout renseignent complémentaire et vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée. »
Ce qu’il faut comprendre dans cette lettre, c’est qu’en datant et signant le questionnaire, vous engagez votre responsabilité sur une éventuelle fausse déclaration. Ensuite, la date vaut pour une étude de votre dossier à cette date.
Si votre activité évolue, dans un sens comme dans un autre, cette exonération peut être remise en cause. A contrario, et indépendamment à ce que laisse penser la lettre, l’étude de votre dossier peut être révisée chaque année si vous pensez que vous entrez à nouveau dans les cas d’exonération.
Le questionnaire
Nous allons décortiquer, une par une, les 5 questions qui seront posées et nous commenterons ce qu’attend l’administration, les mots à utiliser ou pas et les éventuels pièges.
A / Vendez-vous uniquement le produit de votre art ?
Le piège dans cette question est de débusquer les activités mixtes. En effet, si vous avez par exemple deux activités bien distinctes, l’administration pourra être en droit de ne dégrever qu’une part de la CFE.
Exemple : vous êtes 50 % peintre et 50 % hypnothérapeute. L’administration ne prononcera que 50 % de dégrèvement de la CFE.
Il n’y a donc pas de bonne ou mauvaise réponse à cette question, juste d’être conscient de la problématique que cela peut engendrer.
B / Exécutez-vous uniquement des œuvres dues à votre conception personnelle ?
Je rappelle que pour être à la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, il faut créer des œuvres originales. Si certains DA, maquettistes, éxé, arrivent à se faire reconnaître comme Artiste Auteur, vis-à-vis du fisc, qui est généralement plus sévère, il ne sera pas possible d’être dégrevé de la CFE.
Il faudra répondre « oui » à cette question en précisant que vous être bien « auteur d’œuvres originale de l’esprit ».
C / Exécutez-vous des travaux d’après des modèles fournis par des tiers ?
Il est évident que si l’on vous demande un logo pour une marque de chaussures, vous n’allez pas mettre un avion ou des cigarettes dans votre logo. Donc, s’il est normal de travailler par rapport au secteur pour lequel la demande du client a été faite, s’il est normal pour un photographe de prendre en photo les chaussures de la marque du client, il est anormal de considérer que de l’animation 3D d’un personnage créé par quelqu’un d’autre puisse bénéficier d’un dégrèvement de la CFE… Mais sur ce point, on retrouve la définition des activités pouvant ou non relever de la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs.
Un exemple intéressant :
Une personne a été refoulée par le fisc et l’Urssaf Limousin car elle sculptait de petits bustes en résine, de vraies pièces originales, reproduites ensuite à de multiples exemplaires par le client qui en reversait les droits d’exploitation à son auteur.
Mais le client (les Éditions Altaya pour ne pas les nommer), avait commandé à l’auteur, la création de bustes de tous les personnages Marvel (Iron Man, Captain America, Black Panthers…).
L’auteur ne faisait que les mettre en volume. C’est un véritable travail de création mais socialement et fiscalement, cela ne l’est pas….
Exclusion de la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, TVA à 20 % sur son travail, CFE, statut d’artisan à la clef. Bref, la catastrophe !
D / Exécutez-vous sur commande des œuvres graphiques composées de textes et/ou de photographies ?
Cette question soulève deux problématiques :
- La notion de composition,
- L’œuvre de commande.
Je rappelle qu’un concepteur rédacteur relève des professions libérales classiques et non de la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs. À ce titre, il payera la CFE.
Pour un photographe qui vend des droits pour des plaquettes publicitaires, il est évident que ses photographies se retrouveront au milieu de textes… pour autant, ce n’est pas lui qui a écrit les textes et composé la plaquette (ou alors il s’agit d’une activité mixte, voir question A).
Sous-entendu dans cette question : est-ce vous qui mixez votre photographie avec du texte ?
La bonne réponse est « je vends des droits d’auteurs pour des illustrations, des photographies…., peu importe où elles se retrouveront par la suite !
Cette question, hormis la notion de composition, soulève un second problème, celui de l’œuvre de commande qui est plus que contestable dans le jugement de l’administration.
Si vous faites des illustrations pour des plaquettes ou de la photographie pour de la publicité, il est évident qu’il s’agit d’œuvres de commande.
Cela n’enlève rien au fait que ce soit des créations originales et que vous en cédiez les droits.
A cette question il convient de répondre que « oui » il s’agit bien « d’œuvres de commande » car vous vendez à un client qui vous a sollicité, mais que vous êtes libre dans le choix de votre création, le client acceptant ou refusant le travail.
Vous pouvez également rappeler que de nombreux artistes travaillent sur commandes publiques comme Michel Ange ou Buren et que jamais il ne pourrait être utilisé comme argument, cette notion de commande pour ne pas accorder de dégrèvement à la CFE.
Enfin, de nombreux arrêts de jurisprudence dont celui que je reproduis ci-dessous, démontre bien que peu importe la destination des droits (galerie d’art ou publicitaire), la notion d’œuvre d’art reste intacte et entière.
« Considérant qu’il résulte de l’instruction que M.C…, adhérent de l’association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, a pour activité la photographie exercée à titre individuel et est équipé de tous les matériels de prises de vues et de développement nécessaires à cette activité ; que M. C…prend et tire lui-même ses photographies, assisté d’un styliste sous son contrôle pour la mise en scène ; que les photographies, signées par lui, sont cédées en un seul exemplaire à ses clients, pour l’essentiel des grandes marques du secteur agro-alimentaire ; que malgré la précision des contrats de commande indiquant que les prises de vues doivent correspondre à certaines caractéristiques techniques et artistiques telles le type de cadrage ou l’ambiance, les photographies produites en appel par M. C…démontrent qu’il dispose par rapport à son donneur d’ordres d’une faculté d’initiative et d’une liberté de création artistique notamment par le choix des objectifs, de l’éclairage, du cadrage, de l’angle des prises de vue, des couleurs, des contrastes et plus généralement de l’originalité de la réalisation des sujets ; que la circonstance que les photographies de M.C…, qui constituent des œuvres personnelles et originales, aient un objet publicitaire ne fait pas obstacle à ce qu’elles puissent être regardées, en raison de la recherche esthétique qui les caractérise, comme des œuvres de l’esprit au sens des dispositions précitées de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle. »
E / Les revenus que vous déclarez pour cette activité sont-ils uniquement des droits d’auteurs ?
Drôle de question, car l’art 1460 du CGI, n’évoque pas pour l’exonération de la CFE que la notion de cession de droits, mais bien de « produit de leur art ».
Voici le texte :
« 2° Les peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs considérés comme artistes et ne vendant que le produit de leur art ;
2° bis Les photographes auteurs, pour leur activité relative à la réalisation de prises de vues et à la cession de leurs œuvres d’art au sens de l’article 278 septies et du I de l’article 278-0 bis ou de droits mentionnés au g de l’article 279 et portant sur leurs œuvres photographiques»
En revanche, la notion de temps passé (journée, heure…), est effectivement à bannir des termes à utiliser dans la facturation ….. toutefois, ceci n’est même plus un problème de CFE mais, dans son ensemble, un problème d’assujettissement à la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs
Conclusion
Les tentatives des impôts pour limiter l’exonération de la CFE pour les Artistes Auteurs sont un problème récurrent et désormais monnaie courante.
Le raisonnement du fisc diffère même d’un Centre à l’autre en l’absence de textes clairs sur la question.
De plus, comme je le dis souvent, la vision fiscale est plus restrictive que la vision sociale, et l’assujettissement à la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs ne suffit pas à justifier d’une demande de dégrèvement de la CFE.
Il faut être malin dans ses réponses, dénicher les sous-entendus, ne pas trop en raconter, faire attention au vocabulaire utilisé… et surtout ne pas se laisser impressionner et contester systématiquement une décision trop hâtive de l’administration.
N’oubliez pas de solliciter votre Expert-Comptable pour cette mission particulière. Spécialiste des activités artistiques, il saura répondre rapidement et efficacement à ces questionnaires.
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Une reconnaissance officielle de compétence spécialisée :
En décembre 2020, Eric HAINAUT, associé-fondateur, a eu l’honneur de se voir reconnaitre officiellement la compétence spécialisée en activités culturelles, créatives et artistiques par l’Ordre des Experts-Comptables d’Ile-de-France.