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Triplement des seuils des régimes micros et autoentrepreneurs… La bonne idée ! En êtes-vous sûr ?

Depuis quelques semaines, la rumeur circule et enfle : le gouvernement réfléchirait à l’augmentation du seuil d’application pour les régimes micro et autoentrepreneurEn le triplant tout simplement... Un seuil de 98 700 euros est même évoqué avant le placement en régime d’entrepreneur soumis à l’obligation de tenue d’une comptabilité et assujetti à la tva.

Certains parlent même d’une nouvelle règle complexe qui imposerait, qu’entre le seuil actuel et jusqu’au nouveau seuil, l’AE serait soumis à la TVA…. Sans tenir de comptabilité ?

Les rumeurs invoquent la volonté d’Emmanuel Macron… Mais du désaccord de Michel Sapin… Circulent également sur internet des notes et commentaires gouvernementaux sur le sujet.

Officiellement, il n’existe pas de loi, pas de projet de loi, pas de groupe de discussion, pas de rapporteur… Alors fausse information ? Effet d’annonce ? Loupé du gouvernement ?

En fait, il n’y a pas de fumée sans feu et il semblerait que le gouvernement se soit posé la question… Reste à savoir pourquoi il serait intéressant de tripler les seuils et si tout bonnement cette fausse bonne idée n’aurait pas pour seul motif d’inverser la courbe du chômage… Si vous voyez ce que je veux dire.

J’ai donc décidé de prendre la plume pour évoquer mon sentiment et mes ressentis sur cette probabilité.

Pourquoi moi ? Deux raisons :

  • le cabinet d’expertise comptable Com’Com que j’ai cofondé il y a près de 20 ans, accompagne plus de 350 freelances dans les milieux artistiques ;
  • depuis 8 mois, je suis Président d’une association de gestion agréée, Apl Opéra (devenue APL /Arac), organisme qui possède plus de 4 000 adhérents, tous en professions libérales (1/4 d’activités artistiques, 1/4 d’activités juridiques et 1/4 d’activités libérales).

Je précise que mes propos n’engagent que moi et que je les ai orientés principalement autour des professions libérales… La question du triplement des seuils pour les activités commerciales ne se posent pas actuellement puisqu’ils sont déjà fixés à 82 200 euros.

Petit rappel sur les AE en France en 2016 :

Environ 1 million de personnes… Mais moins de 500 000 dossiers actifs (les autres ne facturent rien ou de façon très épisodique).

Chiffre d’affaires moyen annuel d’un AE en France : 3 500 euros par an… Oui j’ai bien dit par an… Ce n’est pas glorieux… Et même en ne reprenant que les actifs, mathématiquement le montant du chiffre d’affaires annuel s’élève à 7 000 euros.

Pour en finir avec les chiffres, le régime des AE a connu un repli de 21 % en 2015… Peut-être en raison de la nouvelle règlementation qui conduit à la radiation d’un AE sans revenu durant un certain nombre de mois.

Petit rappel sur le fonctionnement des AE et ses nombreux avantages :

  • Une création ultra simple est gratuite : c’est vrai,
  • Pas de tenue de comptabilité, juste un registre des recettes : c’est vrai,
  • Pas de tva à gérer : c’est vrai,
  • Pas d’adhésion à une AGA : c’est vrai,
  • Pas de compte en banque spécifique : ce n’est plus vrai depuis le 1/4/2015 puisque désormais les AE doivent avoir un compte dédié à leur activité professionnelle,
  • Imposition simple : c’est vrai puisque l’impôt sur le revenu est « auto liquidé » en ligne avec chaque déclaration (mensuelle ou trimestrielle) avec un taux très faible 3 %… Quand le contribuable soumis au barème de l’Irpp paye 0, 14, 30, 41 ou 45 % d’impôts sur le revenu… Mais attention, pour les couples dont les revenus du foyer dépassent la seconde tranche de l’impôt sur le revenu, le régime micro fiscal de 3 % est remplacé par le barème progressif… conduisant à payer 30 % ou 40 % de taux marginal d’imposition sur des petites sommes contre 3 % auparavant,
  • Des charges sociales douces : c’est vrai et ce n’est pas vrai. C’est vrai parce que le taux de 23 % peut paraitre très faible eu égard aux 46 % du RSI, aux 75 % d’un salarié classique ou aux 85 % pour un intermittent du spectacle…. Mais pas éloigné des 26 % pour les artistes auteurs qui relèvent de la MDA ou de l’Agessa (actuellement il n’est que de 19 % environ masi passera à 26 % lorsque leur taux de retraite, qui vient d’être modifié, sera à 8 %).

Mais qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit que d’un taux. En fait, la base de calcul est complètement différente puisque :

  • celle de l’AE est le chiffre d’affaires,
  • celle du régime micro bnc (qui ne subsiste que pour les artistes) est le chiffre d’affaires après un abattement de 34 %,
  • Celle du régime de la déclaration contrôlée (ou plus communément appelée « au réel ») est le bénéfice… Et comme tout le monde le sait, le bénéfice est souvent loin du chiffre d’affaires, surtout pour celui qui sait bien optimiser ses frais.

Petits exemples pour mieux comprendre :

Chiffre d’affaires encaissé pour l’année 2015 : 30 000 euros

Montant des frais hors charges sociales : 6000 euros

Taxes selon le régime de l’AE :
  • 30 000 X 23 % = 6900 euros de charges sociales
  • 30 000 X 3 % = 900 euros d’imposition
  • Net dans la poche de l’entrepreneur 30 000 – 6000 – 6900 – 900 = 16 200 euros
taxes selon le régime du micro bnc (MDA ou Agessa, celui du RSI n’existant plus en théorie) :
  • (30 000 – 34 %) X 26 % = 5148 euros de charges sociales
  • (30 000 – 34 %) soumis au barème de l’impôt progressif = 814 euros d’imposition
  • Net dans la poche de l’entrepreneur 30 000 – 6000 – 5148 – 814 = 18038
taxes selon le régime du réel (s’il relève du RSI) :
  • (30000 – 6000) X 46 % = 11040 euros de charges sociales
  • Bénéfice = 30000 – 6000 – 11040 = 12960
  • 12960 soumis au barème de l’impôt progressif = 456 euros d’imposition
  • Net dans la poche de l’entrepreneur 30000 – 11040 – 6000 – 456 = 12915
taxes selon le régime du réel (s’il relève de la MDA ou de l’Agessa) :
  • (30000 – 6000) X 26 % = 6240 euros de charges sociales
  • Bénéfice = 30000 – 6000 – 6240 = 17760
  • 17760 soumis au barème de l’impôt progressif = 1028 euros d’imposition
  • Net dans la poche de l’entrepreneur 30000 – 6240 – 6000 – 1028 = 16732

Les chiffres montrent que cette différence de base de calcul des charges sociales et de l’impôt entraîne une distorsion des résultats nets dans la poche de l’entrepreneur :

  • AE classique = 16200 euros,
  • Micro bnc artiste = 18038 euros,
  • Bnc réel / RSI = 12915 euros,
  • Bnc réel artiste = 16732 euros.

Dans tous les cas, le régime des artistes auteurs, connu pour être très favorable, est meilleur que le régime RSI. Et il est aisé de constater qu’il est plus favorable d’être AE qu’au réel au RSI avec un disponible qui accuse plus de 25 % d’écart.

Mais alors pourquoi s’inquiéter de cette rumeur de triplement des seuils ?

En fait pour de nombreuses raisons !

Les activités des AE concernent principalement 4 typologies d’entrepreneurs :

  • des « ponctuels » qui ont besoin pour une « opportunité » d’établir une facture officielle ; il est vrai que l’AE est la meilleure solution. Mais au regard de la modicité des sommes concernées, il n’y a aucune raison de tripler les seuils,
  • Des « complémentaires » qui ont un travail salarié et qui, pour arrondir leur fin de mois, ont besoin d’un statut. On retrouve dans cette catégorie des fonctionnaires (mais un projet de loi vise à en limiter l’utilisation qui en devient abusive) et souvent des artisans (plombier, électricien, petit bricolage, jardinerie…). Et c’est là que le bât blesse. Les artisans qui facturent des particuliers se retrouvent face à des AE qui ont 25% de charges en moins et 20 % de tva en moins, soit une prestation potentiellement 40 % moins chère ! A l’heure de l’économie solidaire et de l’uberisation de nombreuses activités, créer une concurrence artificielle si disproportionnée, c’est donner le coup de grâce aux 3 millions d’artisans en France… Ou pour l’Etat, d’accepter de perdre des millions d’euros de tva et de charges sociales si tous les artisans se décident à se transformer en AE… Bref, une catastrophe et tout un pan économique de notre société qui bascule engendrés par souci de « simplification »,
  • Des « créateurs » qui ne sont pas confiant, ont peur ou veulent une période allégée dans leur démarche administrative en attendant d’y voir plus clair… Oui c’est une bonne idée. La preuve que cela fonctionne ? : Je reçois de nombreux AE qui viennent me voir au bout d’un an d’activités car ils ont dépassé les seuils et doivent passer au réel. Ce qu’ils oublient dans l’histoire c’est qu’ils ont eu l’impression d’avoir fait une bonne affaire en commençant en AE alors que comme tout entrepreneur, les premières dépenses qu’ils ont réalisées, ont été leur matériel, donc une dépense avec un coût important. Et de fait, ils ont perdu le droit de récupérer la tva sur ces acquisitions, donc un manque à gagner non négligeable. Enfin, sur cette catégorie qui dépasse rapidement les seuils, rappelons et félicitons la loi Pinel qui empêche la rétroactivité déclarative et la majoration de 25 % de l’impôt pour non adhésion à une AGA,
  • Des « Entrepreneurs » qui se projettent en AE durant toute leur vie, créant ainsi une solution simple dans leur vie administrative… Ambition qui au bout du bout, ne leur rapportera pas grand-chose en terme de retraite puisque rappelons quand même que les cotisations retraites du RSI AE ne donneront pas les mêmes droits qu’un entrepreneur au réel ! Ces entrepreneurs créent également une concurrence déloyale vis-à-vis des artisans et autres entreprises qui travaillent en b to c. Ces personnes perdront durant toute leur activité, le droit à récupération de la tva… Bref, est-ce utile d’être entrepreneur « à vie » en AE… Je ne le pense pas !

Ce qui est oublié avec cette idée de triplement des seuils :

  • c’est un régime de faveur et je ne suis pas certain qu’économiquement l’Etat ne soit pas obligé de « remettre au pot » pour équilibrer les caisses… Tripler les seuils reviendrait à remettre davantage dans le système pour l’équilibrer… L’Etat en a-t-il les moyens ? Non !
  • les charges d’un entrepreneur comprennent des charges fixes et des charges proportionnelles. Tripler le seuil ne veut pas dire que la personne va tripler ses résultats, bien au contraire. Garder la même base d’imposition et de charges sociales serait contraire à l’équité, au bon sens ; 3 fois plus de CA, ne signifie jamais 3 fois plus de résultat,
  • sous-jacent à une concurrence déloyale avec les artisans et autres Tpe, ce seront également les plus de 200 AGA (qui accompagnent plus de 500 000 professionnels libéraux) et 20 000 experts comptables Français (qui emploient plus de 130 000 collaborateurs) qui seront grandement impactés par cette mesure, eux qui accompagnent, pour souvent 80 % de leur clientèle, des Tpe.

Mais alors qu’est ce qui serait bien selon moi ?

Je pense qu’il y a 2 éléments à considérer : ce qu’il ne faut surtout pas changer et ce qu’il faudrait changer ou ajouter.

Ce qu’il ne faut pas changer :
  • il faut garder un seuil, évidement, mais un seuil faible car l’AE n’est pas une vraie entreprise mais un régime spécial. Aujourd’hui, les entrepreneurs qui ont choisi ce régime et qui en font leur métier arrivent facilement à dépasser les seuils. Si l’on prend un entrepreneur qui facture 200 euros par jour (fourchette très basse), qui travaille 15 jours par mois (donc un mi-temps) et 11 mois par an (avec un mois de vacances) nous arrivons à un CA potentiel de 33 000 euros. Peut-être faut-il alors ne donner qu’un petit coup de pouce aux seuils en l’augmentant légèrement,
  • L’inscription, le mode déclaratif et le paiement des cotisations : surtout ne rien changer, tout fonctionne très bien dans la plupart des cas,
  • L’obligation d’avoir un compte en banque dédié est également important. Souvent mal perçu par l’entrepreneur, il n’en reste pas moins un outil de gestion de sa trésorerie et de maîtrise de ce qu’il gagne et de ce qu’il peut dépenser,
  • Il faut maintenir l’incompatibilité à être gérant de société et AE en même temps (pour éviter les abus de droit évident),
  • Il faut maintenir la possibilité d’être en AE et micro auteur avec cumul du CA pour contrôler l’application des seuils,
  • Les nouvelles modalités de dépassement de seuils votées par la loi Pinel sont à conserver : moins pénalisantes pour l’entrepreneur, elles évitent la rétroactivité sur la tenue de la comptabilité et la majoration de 25 % pour non adhésion à une AGA avant le 31/5 de chaque année.
Ce qu’il faut changer ou ajouter :
  • Maintes fois proposé, toujours recalé, le droit à récupération de la TVA sur les investissements avec une limitation dans le temps, me parait important pour accompagner les entrepreneurs dans leur démarrage d’activité,
  • Egalement proposé et également recalé, la limitation dans le temps de ce régime… Mais peut-être à envisager à deux vitesses : de 0 à 19 000 euros de CA pas de limitation dans le temps, au-delà entre 2 et 3 ans sous ce régime et ensuite passage obligatoire sous un régime réel. Le gouvernement pourrait trouver là l’opportunité de réaliser quelques économies, et les entrepreneurs plus aguerries, de créer de la richesse, de l’impôt, des charges sociales et de l’emploi,
  • Il faut permettre au libéral, en Déclaration Contrôlée, la création simultanée d’un régime AE. Aujourd’hui c’est interdit. Mais avec la monté de la polyactivité et de nombreuses incompatibilités, nous rencontrons beaucoup de problématiques. Par exemple, un auteur qui veut s’auto éditer, un styliste qui veut vendre ses créations, un designer qui veut produite ses créations. Souvent ces seconds métiers sont très faibles et ne nécessitent pas la création d’une entreprise. Autoriser ce cumul régime Réel et AE pour deux activités différentes ou complémentaires, empêcherait dans de nombreux cas les montages abracadabrantesques, voire limiter les activités non déclarées,
  • Il faudrait peut-être (vous allez vraisemblablement penser que je prêche pour ma paroisse) amener les AE à suivre des formations à la gestion pour anticiper le dépassement de seuil et ses conséquences… Au travers des AGA ? Avec une cotisation différente ?

Voilà tout ce que j’avais « sur le cœur » concernant cette rumeur qui ne fait qu’enfler, que certains perçoivent comme une opportunité, d’autres comme une menace.

Dans toutes choses, il est opportun de rechercher l’utilité…

Ce triplement serait-il une opportunité pour l’entrepreneur ?

Je ne le crois pas, je ne le pense pas !

L’Etat sortirait-il gagnant avec une telle mesure ?

Les différentes notes que j’ai pu lire, les commentaires divers et variés que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, ne le démontrent absolument pas et ils mènent tous à un constat : une fausse simplification, des règles plus complexes, des inégalités… Bref vous l’aurez compris, tout ceci ne fera pas de moi un partisan de ce qui pourrait se profiler… Mais plutôt un inquiet qui surveillera tout ceci de très près tant pour conseiller aux mieux mes clients, que pour l’avenir de l’AGA que je préside et l’avenir de mes collaborateurs.

Petite idée de ce que nous allons devoir créer bientôt : des outils de simulation qui permettent de comparer pour chaque entrepreneur, du régime réel ou micro, lequel est le plus optimisant pour lui…. Je me mets au travail !

Pourquoi travailler avec Com'Com ?

Fort d’une expérience de plus de 20 ans, Com’Com est le leader de L’EXPERTISE COMPTABLE ET RH spécialisée qui accompagne le spectacle vivant, les producteurs et éditeurs phonographiques, le cinéma et l’audiovisuel, les artistes auteurs et interprètes, les freelances, le jeu vidéo, le multimédia….

Une reconnaissance officielle de compétence spécialisée :

En décembre 2020, Eric HAINAUT, associé-fondateur, a eu l’honneur de se voir reconnaitre officiellement la compétence spécialisée en activités culturelles, créatives et artistiques par l’Ordre des Experts-Comptables d’Ile-de-France.